« Aie confiance… »

©Photo Xdr

Même le plus mauvais coach (j’hésite entre un des 12% de tocards ayant planté son BAC en 2019 et s’improvisant « coach de vie », un consultant fonctionnaire de l’APEC et un indécrottable généraliste de Michael Page…) sait au moins que le socle de toute démarche commerciale un tant soit peu pérenne est la confiance. 
Et donc, je me demandais, compte tenu des difficultés manifestes rencontrées par les différents intervenants pour la bâtir, si nous n’aurions pas ici le point bloquant majeur de notre Filière et, surtout, la matrice des dérives crispées, nées de ce manque, qui l’empêche de longue date maintenant de mieux fonctionner.
Prenons 3 exemples rapides et riches de sens :
1 – Le contrôle qualité
La confiance n’exclut pas le contrôle mais… au vu de la nécessité économique de limiter l’empilement des coûts à différentes étapes pour rester compétitif, elle aurait en l’espèce tout intérêt à pouvoir le faire ! 
Même si une marchandise peut toujours un peu « bouger » entre le départ station de conditionnement et la livraison plate-forme/magasin (problème de température, camion mixte, retard logistique, stockage plateforme,…), il y a tout de même un paradoxe chargé de méfiance à devoir rémunérer deux équipes qualité, à l’amont et en aval, ne se connaissant/côtoyant presque jamais, communiquant par mails interposés, et pour faire finalement le même travail à quelques heures d’intervalle. A part pour quelques enseignes britanniques qui ont du mal à intégrer que la Couronne ne règne plus sur le monde, et qui ont cru bon de réinventer l’eau chaude pour leur Earl Grey, ces équipes qualité utilisent théoriquement les mêmes outils/tests/indicateurs/grilles de lecture pour juger de la qualité d’un lot et de sa conformité aux spécifications enseigne. Et d’ailleurs, pourquoi bâtir des spécifications enseigne quand la seule normalisation est déjà plus complexe et aussi difficile à suivre qu’une interview de Houellebecq ? Et bien, c’est très simple , prenez le temps d’examiner quelques produits en rayon et vous comprendrez. Entre le pitufo de fraises d’Espagne ou Miss Camarosa planque plus de culs blancs dans le fond du plateau qu’un début juillet à trousse-chemise, les plateaux 2 rangs de pommes ou on mélange avec la 1 bis voire la 2, les mélanges de salade 4G 1er prix et MDD façon herbe à vache pour pouvoir faire toujours moins cher, les filets/girsacs de pomme de terre ou d’agrumes masquant et trichant sur la couleur de la maille… la production est très créative quand il s’agit d’en mettre un petit coup et certains produits sont aussi maquillés que Jane Fonda avant un shooting pour « Oldie but Goldie ».
Ici, le sempiternel « si on fait pas ça, on s’en sort pas et ça part à l’industrie » du pov’ petit producteur ne m’intéresse pas. Je souligne simplement le manque de confiance sous-tendant ce coûteux double contrôle. Il règne sur la Filière une ambiance type guerre des polices qui n’est profitable à personne…
2 – L’analyse cost +
Concernant la demande d’une majorité d’enseignes de recevoir avant, comme base préparatoire à la négo, les coûts de production décortiqués à la ligne, vous pensez que c’est pour le seul plaisir des acheteurs de plonger contraints et forcés dans la complexité d’un monde de la production qui n’est pas exactement le leur ou plutôt parcequ’ils n’ont plus confiance dans les éternelles jérémiades – tout augmente ma p’tite dame Michu ! – des piètres vendeurs de la production, toutes espèces confondues et quelle que soit la campagne ? Et tant pis s’ils ne comprennent pas vraiment les données tronquées fournies par la production, certains fournisseurs croyant malin d’ajouter de l’encre dans la bouteille, là encore, je note une absence de confiance. Personne ne demande à connaître le prix des ingrédients des plats à la carte d’un restaurant…
3 – Tu m’as pas envoyé tes prévs !
Troisième et dernier exemple : les fameuses prévisions que j’entends depuis un quart de siècle les stations réclamer aux vendeurs, les vendeurs quémander aux acheteurs, les acheteurs tenter de glaner auprès des magasins (pour les enseignes d’intégrés au moins…), les Chefs de rayon interrogeant chaque responsable d’îlot… c’est vraiment pour mieux commander ou plutôt pour s’assurer que le destinataire d’un volume ne va pas disparaître des lignes d’appro au premier fax de dégagement dégainé par le Van Dijk de service écumant chaque semaine les quais des ports du Nord avec ses gagneuses ? Même si la prévision en question n’a aucune valeur juridique réelle, elle peut quand même servir, en l’absence de confiance établie, pour honorer la parole donnée (Arnauld, si tu nous lis, rappelle-toi, ça ne nous rajeunit pas, la promo de Victo…).
Je pourrais allonger la liste des exemples de choses que nous subissons par absence de confiance mais ces 3 là suffisent je pense à illustrer mon propos.
Le temps est venu pour la Filière d’arrêter la partie de « Je t’aime, moi non plus » et de travailler humblement à rebâtir la confiance. Nul doute que l’on abordera le respect des spécs, la transparence des coûts de chacun (tordant au passage le cou à l’idée d’une distribution qui « se gave »…), les achats tournants et leurs ravages, mais bien d’autres thématiques encore qui nous ronge. D’ailleurs, les alliances fournisseur/distributeur type Nature’s Pride et Bama ouvrent clairement des perspectives sur ce que devient une relation quand elle est empreinte de confiance et bâtie sur des intérêts partagés…

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